Oxygène et travail pugilistique (I).
1. Est-il possible d'effectuer le travail pugilistique en absence d'oxygène?
Selon Guyton (p. 868), même lorsqu'un sujet cesse de respirer complètement, il ya encore de l'oxygène dans ses alvéoles pulmonaires et de l'oxygène liée à son hémoglobine sanguine. Cet oxygène peut servir pendant deux minutes, temps au bout duquel l'intervention des sources d'énergie anaérobies devient
indispensable.
Ganong (p. 562) reconnaît que l'anoxie ou absence complète d'oxygène dans les tissus est rare. Il trouve plus approprié d'utiliser le terme d'hypoxie qui traduit plutôt une très grande diminution de la quantité d'oxygène dans les tissus. L'auteur cite parmi les signes manifestés par le sujet lors d'une hypoxie peu prononcée: la baisse de jugement, la léthargie, la diminution des sensibilités douloureuses, l'excitation, la désorientation spatio-temporelle, des céphalées, ...
Nous n'observons pas cela même chez des boxeurs en travail de vitesse ou de résistance (respectivement filières anaérobie alactique et anaérobie lactique). Il est donc impossible d'effectuer le travail pugilistique en absence d'oxygène.
Si "anaérobie" signifie "en absence d'oxygène", pourquoi cet adjectif qualifie-t-il deux filières de production d'énergie qui interviennent pendant le travail pugilistique? La relecture d'une note antérieure nôtre [intitulée "L'énergie utilisée lors du travail pugilistique (II)" et logée à l'url (vous pouvez cliquer) http://boxeanglaise.blogs-de-voyage.fr/archive/2006/03/27/l-energie-utilisee-lors-du-travail-pugilistique-ii.html] rappelera que pour ces deux filières, contrairement à la filière aérobie, la regénération d'ATP n'a pas besoin de la présence d'oxygène.
2. Dette d'oxygène. De quoi s'agit-il?
Pendant une activité physique ou sportive, les muscles dépensent de l'ATP qui doit être regénérée le plus vite possible afin d'éviter son épuisement qui entraînerait un arrêt de l'activité. L'ATP présente dans les cellules musculaires avant l'activité s'épuisant au bout d'une minute, les trois filières de sa regénération doivent réagir.
Dans la filière anaérobie alactique, une mole de phosphocréatine permet la regénération d'une mole d'ATP. Dans la filière anaérobie lactique, une mole de glycogène permet la regénération nette de trois moles d'ATP. Dans la filière aérobie, une mole de glycogène permet la regénération nette de trente-neuf moles d'ATP. La filière aérobie est donc plus productive que les deux autres. C'est peut-être pour cela qu'au début de l'activité, la nature met en place des mécanismes qui facilitent l'intervention de cette filière: augmentation de l'arrivée de l'oxygène aux cellules musculaires suite à l'augmentation de la ventilation pulmonaire et de la consommation d'oxygène, la vasodilatation locale, l'augmentation du débit sanguin local, ... cfr. entre autres une note antérieure nôtre [intitulée "L'appareil respiratoire." et logée à l'url (vous pouvez cliquer) http://boxeanglaise.blogs-de-voyage.fr/archive/2006/05/02/l-appareil-respiratoire.html].
Au delà d'un certain seuil d'intensité d'activité, l'énergie résultant de l'augmentation de l'arrivée de l'oxygène aux cellules musculaires peut se révéler momentanément insuffisante au début. Mais, de moins en moins insuffisante car l'augmentation de l'arrivée de l'oxygène aux cellules musculaires va augmentant jusqu'à ce que l'énergie dépensée par le travail pugilistique soit égale à celle qui résulte de l'augmentation de l'arrivée de l'oxygène (période de régime stationnaire).
Avant l'arrivée de cette période, où la filière aérobie emprunte-t-elle l'oxygène pour compenser le déficit dû à l'arrivée insuffisante (bien que de moins en moins) de l'oxygène d'origine pulmonaire? Dans les cellules musculaires mêmes: oxygène dissous, oxygène du sang veineux et oxygène lié à la myoglobine. C'est pourquoi, afin de restituer l'oxygène emprunté, après arrêt de l'activité, continuent à oeuvrer les mécanismes utilisés par l'organisme pour augmenter l'arrivée de l'oxygène aux cellules musculaires (augmentation de la ventilation pulmonaire, ...). C'est la période de remboursement de la dette d'oxygène.
Jean Ferré, Bernard Philippe, Philippe Leroux et Bruno Sanou (ils ne sont pas les seuls auteurs à le faire) appellent "dette d'oxygène", la quantité d'oxygène consommée en excès pendant la période de récupération par rapport à la consommation de repos.
Voici les facteurs qui justifient le déficit d'oxygène dont il est question plus haut (Dejours p. 262): l'augmentation du lactate dans les muscles et dans tout l'organisme au cours de l'exercice intense, la diminution de la concentration de la phosphocréatine musculaire, la diminution modérée de la concentration d'ATP musculaire dans les exercices intenses, la diminution du volume d'oxygène dans les muscles et dans le sang veineux en dehors des muscles.
3. Implications du point de vue du savoir-être.
Il est bon de respecter le voeu de l'enseignant lorsqu'après une activité très intense, il recommande de ne pas s'arrêter brusquement mais d'enchaîner par une activité physique modérée. Cela permet de réduire la durée de la période de récupération et par la même occasion d'accélérer le retour de la lactatémie à sa valeur de repos (Dejours p. 264).
4. Renseignements complémentaires.
Des renseignements complémentaires peuvent être trouvés dans les ouvrages suivants:
- Dejours P., Physiologie de la respiration (1982), Flammarion médecine-sciences,Paris, 315 p., pp. 259-267, 297 et 301
- Ferré J., Philippe B., Leroux P. et Sanou B. (1998), Dictionnaire des APS, Editions Amphora, Paris, 255p., pp 84-85
- Ganong W.F. (2001) Physiologie médicale, De Boek Université, Bruxelles, 828 p., pp. 69 et 652
- Guyton A.C. et Hall J.E. (2003), Précis de physiologie médicale, Padoue, Piccin, 1048 p., pp. 869 et 1027
André MUKALA NSENGU TSHIBANGU,
Prévôt Fédéral, Juge et Directeur d'Assaut.